Passage Koltès

Carnet

1 Entre chien et loup; la ville s'était vidée
de Alexandre Fernandez d'après le roman de B.M Koltès La fuite à cheval très loin dans la ville (1976) (1er appel, scène II et III)
Nadège LE BLANC, Karine GAYET
J'aimerais que Félice envisage l'éventualité d'être immortelle, à la manière d'un signe poétique, d'une petite folie pour l'éternité, pour les dieux, pour l'amour... Au lieu de mourir par les mains de ses poursuivants. Félice les regarde avec des yeux brillants, brûlants, pleins de folie, avec un détachement presque divin, incontournable, triomphant. Je lui ai suggéré d'être en même temps la folie qui parle et la parole sur la folie et ceci avec le regard troublant d'une vieille taupe... Et puis, avec son allure, le Cassius en silhouette courbe torturé par l'approche du manque, débarque et lui demande, en attendant mieux, la cigarette qui le calmera. Alors il roule, les yeux roulent, la bouche roule, les bras roulent, le bassin roule, les épaules roulent, la tête roule, toute la mécanique roule...

 

2 le rouge à lèvres
(1989, inédit) (pièce inachevée)
Laurent BITANE, Jean-Pierre MIRANDA, Catherine PAMART
Et si l'on se posait cette question : comment jouer le rouge à lèvres ?
Nous apparaîtraient Claire et Solange, belles d'un soir, en Coco Chanel et Consuelo. Eh bien, ce sera notre cas.
C'est bizarre, il y a des choses comme ça qui font dire que Genet a laissé des traînées précieuses du côté de chez Koltès...

 

3 Roberto Zucco
(1989) (P 23)
Nadège LE BLANC, Bertrand GUIHENEUF
Dans un dernier plongeon magnifique sous la table, tes rêves défileront devant tes yeux... juste avant de mourir...

 

4 Le retour au désert
(1988) (Le secret de l'armoire, au bord du lit)
Karine GAYET, Anne BEAUMOND, Jean-Pierre MIRANDA
Sur un banc de sable algérien, elles s'inclinent... L'insomnie, le rêve, les fantômes d'antan suspendus aux lèvres de Fatima. Mathilde tremble. Toutes deux, mère et fille dans l'armoire, elles ont leur secret, elles sont le secret de l'armoire. Arrive alors Adrien...

 

5 la nuit juste avant les forêts
(1977) (début)
Laurent BITANE
L'échange fuit dans la nuit. Qui poursuit qui ? À la hâte...La parole de l'étranger s'ensuit. Une envie de pisser. Avec ce que dit celui qui se présente devant nous, avec cet autre dialogue qu'il a avec celui qui n'est pas là et qu'il a vu au coin de la rue, et avec cette rumeur agressive répandue par ceux qui ne sont pas là, à qui il ne parle pas, tandis qu'ils parlent de lui, avec toutes ces choses qui font mal, avec toutes ces choses qui se propagent quand on cherche son désir.

 

 

6 Dans la solitude des champs de coton
(1986) (début)
Bertrand GUIHENEUF, Laurent BITANE
Une transaction, ou comment se détourner de l'objet proposé (ce qui revient au même), demande qu'une fois qu'un client potentiel se présente, le vendeur l'accoste conformément à son rôle, c'est à dire comme étant celui qui a le produit que vous cherchez dont il vous vante sans attendre les mérites comme s'il savait pertinemment de quoi il s'agissait, de la meilleur façon possible sans jamais laisser un temps mort. Alors si vous voulez le désarçonner, la seule arme pour le contrer, est d'intercepter le moment de fatigue où le vendeur s'assoupit et d'y placer enfin votre réplique, en n'omettant pas de répondre à côté, bien évidemment. À quoi le vendeur, ainsi déstabilisé, devra répliquer aussitôt ou déclarer forfait... Mais le "must du must" est d'arriver à retourner la situation en sa faveur, en n'achetant pas mais en vendant son désir d'acheter quelque chose au vendeur. Alors là, si vous y arrivez, vous êtes bien le plus dealer des clients !...

 

7 Quai Ouest
(1985) (P25)
Catherine PAMART, Alexis VOLF
Quand on traite une affaire il y a trafic, et comme dans toutes les affaires, il y a toujours un peu de Fak comme fuck, et un peu de Claire comme l'eau pure. Une histoire d'amour, c'es ¸t tellement, tellement difficile à raconter !

 

8 Sallinger
(1977) (scène V)
Jean-Pierre MIRANDA
Il se révéle à son public, en pleine lumière au dessus de la ville. Il plane sur le dos d'un corbeau... Terrestre, aérien, l'ange sourit au pauvre comédien.
"Tout le monde parle à reculons..." Lapsus de Jean-Pierre

 

9 Combat de nègre et de chiens
(1979) (scène VI et XV)
Catherine PAMART, Bertrand GUIHENEUF
Koltès disait qu'il séparait les gens en deux catégories, ceux qui sont condamnés et ceux qui ne le sont pas. Le noir est condamné puisqu'il est noir. Pour Léone, c'est moins évident. La condamnation n'est pas visible au premier coup d'oeil. Son malheur, le sien, est celui de la paumée qui ne sait plus où elle en est avec son hist ÿoire de blanche "moitié ceci, moitié cela". Et c'est pour cela qu'à travers Alboury, le noir, elle se reconnaît. Sa condamnation apparaît alors au grand jour. Cette fascination pour le noir, lui permet en quelque sorte de se dédouaner, de "se blanchir" de son drame personnel qu'elle retient au fond d'elle. Et c'est grâce au silence d'Alboury, grâce à l'espace de parole qu'il lui offre, qu'elle finira par cracher le morceau, difficilement, de façon éclatée, mais elle parlera de son malheur, de sa solitude, de son enfance, de son errance, de son histoire, celle d'une femme blanche perdue sur le continent des condamnés.

 

10 Entre chien et loup; la ville s'était vidée
de Alexandre Fernandez d'après le roman de B.M Koltès La fuite à cheval très loin dans la ville (1976) (7ème appel scène VI)
Karine GAYET, Alexandre FERNANDEZ
Quand notre imaginaire opère, les choses existent en soi, ailleurs. La turbulence de certains corps nous envahit d'affection, leurs ondes nous creusent le regard, leurs fréquences nous aident à vivre. On a comme ça une tête pleine de personnages qui peuvent si on les laisse partir distordre la réalité du paysage... ...Naissance... Le mot est propre. Le mot est terrible. Nous sommes surpris... Félice est née d'hallucination... Tragard est son hallucination, il ne faudrait pas le craindre.

« Il est à mon avis certain que tout art est investi par les puissances refoulées d'une enfance… La création artistique est l'exemple le plus accompli de ce qu'est une sublimation des désirs inconscients. C'est la raison pour laquelle le grand art peut être à la fois provoquant, transgressif, et universel. La subjectivité humaine reconnait en lui la force irrésistible des traces cachées des désirs… Il éprouve dans cette reconnaissance un trouble suspect en même temps qu'une admiration rationnelle. C'est ce mélange que nous appelons le sentiment du Beau. » Alain Badiou, Éloge du théâtre, 2013.

"Le divertissement généralisé"

Nous vivons sous le règne de la banalisation par l’effet de la consommation, sous le régime de l’aliénation des individus par l’effet du divertissement généralisé d’une forme d’étourdissement par lequel les individus sont siphonnés. lire la suite